Pose ton téléphone et créé-toi des souvenirs (la suite)
De quoi se rappellera-t-on quand on sera sur notre lit de mort, à regarder dans le rétro ?
Hello,
Bienvenue dans le numéro pilote de cette newsletter plus personnelle qui me trottait dans la tête depuis un moment. Pour ceux qui me suivaient déjà sur les Internets, vous aurez remarqué que j’ai régulièrement besoin de faire des « instants soupape », de partager des coups de gueule, des partis pris ou juste les coulisses d’une aventure entrepreneuriale pour laquelle tout le monde me félicite… alors que je me pose, moi, des milliards de questions. Bref, je me rends compte du décalage parfois énorme entre ce que les gens projettent sur moi (mais sur tout le monde, hein) et la réalité. Et je pense que mettre les pieds dans le plat et raconter l’envers du décor, sans filtre, en partageant les doutes et les questionnements, eh bien ce sera autant salutaire pour moi que pour ceux qui me liront. Je ne peux donc pas vous dire où ira ce projet mais seulement que je veux qu’il reste sans pression et très libre, comme un carnet de bord, sans filtre.
Pour ce premier plongeon, j’ai choisi mon thème favori : l’addiction aux écrans, ou plutôt, aux réseaux sociaux. Marrant, me direz-vous, pour une fille qui bosse dans la com’ numérique. Oui. Doux paradoxe. Mais à vrai dire, l’overdose monte en moi depuis un petit moment. Jusqu’au moment où, l’été dernier, je franchisse le pas de partir seule à New York pendant un mois, en me lançant le défi de passer sous la barre des 1h d’écran par jour. Spoiler : j’y étais arrivée… mais je suis loin d’avoir kiffé l’expérience (il faut dire que se filmer face cam’ n’est pas forcément l’exercice que je préfère et m’a mis une pression monstre, quand je suis bien plus à l’aise, et moi-même, à l’écrit…). Alors je vais vous raconter l’envers du décor et vous expliquer où j’en suis aujourd’hui.
Sur ce, bonne lecture (et n’hésitez pas à me faire un retour sur ce premier billet pour me dire si ce format vous plaît ou si vous avez des questions !) !
Kéliane
De quoi se rappellera-t-on quand on sera sur notre lit de mort, à regarder dans le rétro ?
Épisode 1 - New York, un an après
Juillet 2024. Je monte dans un avion, sans bien trop savoir pourquoi. Après un bilan de compétences en début d’année, j’en suis venue à la conclusion que j’avais besoin de faire “un truc fou”. Et partir seule, c’était mon truc fou. Mais je me suis dit qu’il fallait qu’il y ait un but. Ça faisait longtemps que je voulais parler de cette addiction aux réseaux sociaux qui m’obsède. Parce que depuis que c’est dans ma tête, je ne vois que ça. Dès que je sors dans la rue, je ne peux pas m’empêcher de regarder le nombre de gens le nez dans leur téléphone (et m’amuse à leur foncer allègrement dedans, je l’avoue). Pourquoi ça m’énerve autant (alors que je suis moi-même la première à garder mon téléphone à la main quand je suis dans la rue) ? Parce que ce n’est pas la société dans laquelle j’ai envie de vivre.
En partant à New York, je n’avais pas creusé le sujet plus que ça. Mais je suis partie avec un livre qui me promettait en 1 mois de relever la tête de l’eau (How to break up with your phone, The 30 day plan to take back your life, de Catherine Prince). Comme tout bon livre de développement personnel américain, il y avait 80% de blabla-amaziiiing-tournage-autour-du-pot mais 20% de méthode et conseils pratico-pratiques. Que du coup j’ai direct appliqué : acheter un réveil physique, sortir le téléphone de sa chambre pour éviter de scroller au réveil et au coucher (les moments les plus chronophages), suppression des app de réseaux sociaux, suppression des notifications, expérimenter des « digital sabbat » (= 24h, par exemple le samedi, où vous sortez en laissant votre téléphone chez vous), les app de blocage de temps d’écran type Opal, le passage de l’écran en noir et blanc… J’ai même testé de revenir à un dumb phone, autrement dit, un téléphone qui ne permet (presque) que de téléphoner et d’envoyer des SMS, sans Internet.
Bilan ? Déjà, réaliser que ce n’est pas l’écran le problème mais *juste* les réseaux sociaux. Donc du coup, 1h de temps d’écran, ça ne veut rien dire : si c’est pour utiliser Citymapper ou Spotify, ça n’est pas un souci. Et surtout, je ne veux pas me couper des réseaux sociaux - sur lesquels je fais beaucoup de veille pro, qui me nourrissent sur mes sujets passion que sont la food ou les voyages - simplement reprendre le contrôle.
De tout ça, qu’ai-je conservé à mon retour à Paris ? Le réveil (qu’en vrai, j’avais déjà). L’éloignement physique du téléphone quand je veux lire ou regarder une série, pour ne pas être tentée de checker mon écran à la moindre notif’ (et ça paraît bête mais c’est moins simple qu’il n’y paraît et je bénis les cinés qui restent le dernier bastion où l’on est injoignables et non distraits !). Et la suppression des apps des réseaux sociaux. Sauf que… à chaque fois que je veux poster une story, je suis obligée de réinstaller Instagram. Et je regrette ensuite. Qu’est-ce qu’on s’en fout que je sois allée manger une glace…
Si je dois faire le bilan, un an plus tard, je dirais donc que c’est un échec. Parce que, certes, mon temps d’écran a un peu diminué mais je n’ai pas le sentiment d’avoir repris le contrôle ni d’avoir aujourd’hui une relation saine aux réseaux sociaux. Et à Instagram en particulier. Parce que les effets pervers sur l’exhibition de nos vies, le fait de passer plus de temps à mettre en scène des moments qu’à les vivre, de se comparer en permanence… tout ceci, à force, me pèse. Et me travaille. De quoi se rappellera-t-on quand on sera sur notre lit de mort, à regarder dans le rétro ? De tout ce temps perdu à compter nos likes et raconter nos vies ou à avoir vécu des (vrais) moments avec nos proches ?

Épisode 2 - Qu’est-ce qu’on s’en fout… (ou ma relation torturée avec Instagram)
J’ai peur de devenir aigrie à force de me dire cette phrase quand j’ouvre Instagram. À chaque story, je vois des gens exposer le fait qu’ils soient allés au sport, ce qu’ils ont mangé… Et à chaque fois, je me dis… mais qu’est-ce qu’on s’en fout. Instagram nous a quand même sacrément détraqués pour qu’on en vienne à passer plus de temps à documenter nos vies façon vitrine sociale qu’à vivre les moments en étant pleinement présents. À vouloir tout prendre en photo, comme si ce qui n’a pas été partagé sur Instagram n’existait pas. À ne pas pouvoir s’empêcher de rouvrir inconsciemment, après chaque post ou chaque story, l’app toutes les 5, 10, 15 minutes pour voir qui a liké (ne mentez pas, on le fait tous, des milliers d’ingénieurs et neuropsy ont conçu l’UX d’Instagram pour alimenter ce réflexe de Pavlov…).

Alors, je sais, vous me direz que rien ni personne ne m’oblige à suivre ces gens - même si ce sont des amis ou connaissances - ni à ouvrir Instagram. Je vous rassure : nous sommes tous pétris de contradictions. Moi la première. J’aime détester Instagram. Je suis nostalgique de l’époque où elle rassemblait les amoureux de photos, sans pression. J’aimais l’idée d’en faire un carnet de voyage. De pouvoir figer des souvenirs, photos comme vidéos. C’était d’abord un album photo (pas une mise en scène quotidienne comme aujourd’hui…). J’ai donc toujours les mêmes dilemmes au moment de partir, comme là, dans une semaine, au Brésil : est-ce que je vais partager des stories de moments que j’aime ou faut-il au contraire que j’en profite pleinement ? Depuis 2-3 ans, je suis repassée à l’appareil argentique. Et cela me force à ralentir : déjà parce que je ne prends plus 200 photos par voyage (spoiler alert : j’ai présentement 34649 photos sur mon iPhone et abandonné toute ambition d’arriver à les trier un jour) et mentalement, ça fait du bien ; parce que je les développe du coup à mon retour, ce qui m’empêche de poster pendant le voyage et donne toujours la petite excitation de découvrir les clichés façon pochette surprise (on ne se rappelle plus ce qu’on avait pris!) des mois plus tard, le temps de finir les pellicules. Et puis je pourrais aussi tout simplement repasser mon compte Instagram en privé, pour me dire que je ne partage mes photos qu’avec mes potes et ma famille, c’est quand même plus sain.
Episode 3 - Est-ce qu’on ne passe pas à côté de nos vies ? (ou pourquoi je vous conseille de faire votre Bucket List)
Oui, c’est un peu mélo-dramatique comme question mais je me la pose régulièrement. Parce que je vois le temps que je perds à scroller d’un côté et que de l’autre j’ai une liste d’envies qui s’allonge de jour en jour. Et que je me dis que je n’aurais jamais assez de toute ma vie pour assouvir les restaurants que je veux tester, les voyages que je veux faire, les expériences que je veux vivre. Si les « pauses », les fameuses « digital detox » comme on dit, sont salutaires à court terme mais je crois qu’elles ne sont jamais une solution face à ce qui est une addiction, au sens médical du terme. Qu’il faut changer nos modes de vie pour que le scrolling soit remplacé par des choses qui nous nourrissent. Toutes ces choses qu’on remet à plus tard faute de temps : lire davantage, cuisiner, prendre des cours d’oenologie, enfin me mettre au théâtre, apprendre, se former, se retrouver physiquement autour de passions diverses et variées… Bref, poser son téléphone et se créer des souvenirs.
Les « expériences ». C’est littéralement ce qui m’obsède. L’âge faisant, je suis de moins en moins matérialiste. Et c’est comme ça que j’ai eu l’idée de (re)faire ma Bucket List, cette fameuse liste des choses qu’on veut absolument faire avant de mourir. L’exercice est assez jouissif mais pas simple. Au départ, on se retrouve un peu stupide, stylo en l’air, face à un carnet… et rien ne vient. Alors trois conseils :
1) Prenez-la catégorie par catégorie : (voyages, pro, perso, défis/expériences, loisirs et temps pour soi, projets long terme…) : listez en dessous vos objectifs/ce qui vous fait rêver à chaque fois, en essayant d'être spécifique et honnête (ex : oui, tout le monde a envie d’aller voir les aurores boréales, mais est-ce vraiment VOTRE rêve ? Si vous voulez absolument aller au Japon, détaillez une expérience en particulier que vous voudriez faire…).
2) Imaginez que quelqu'un vous annonce qu’il ne vous reste que deux semaines ou six mois à vivre : que faites-vous ? Listez toutes les choses que vous entreprenez (où allez-vous, qui allez-vous voir, comment vous remplissez toutes vos « dernières » journées…). Vous pouvez aussi vous imaginer à la fin de votre vie, regardant rétrospectivement tout ce que vous avez accompli : vous vous direz que vous avez réussi votre vie si ... ?
3) Essayez de répondre (honnêtement) à cette question (que posait Delphine Plisson à chacun de ses entretiens d’embauche et que je trouve assez géniale) : si vous n’aviez aucune contrainte matérielle, sociale, géographique, personnelle ou financière, qu’est-ce que vous feriez de votre vie ?
Je vous laisse sur ce petit exercice et, si ça vous intéresse, je vous raconterai ce que j’ai mis sur la mienne. Et peut-être que j’essayerai de la cocher et de le raconter…

J’ai lu, j’ai vu, j’ai testé
🍿 Life of Chuck — On ne va pas se mentir, ce film a quelques petites longueurs mais je le mets malgré dans tout la catégorie « sympa pour un dimanche feel good ». On y suit la vie d’un comptable somme tout assez ordinaire nommé Charles Krantz. Ce qui est original, en revanche, c’est que le film est découpé en 3 actes. Et que l’on commence par la fin de sa vie, avant de remonter à l’enfance. On ne comprend donc le film (et la quête de ce petit garçon) qu’à la toute fin. Fun fact : le film s’ouvre sur une époque… où Internet a complètement planté, avec des gens, du coup, désoeuvrés. On ne pouvait pas faire plus dans le thème !
🍿 Comment devenir riche (grâce à sa grand-mère) — C’est un film thaïlandais devant lequel j’ai atterri par hasard mais que j’ai beaucoup aimé. On suit les aventures de M, un jeune plutôt dilettante qui apprend que sa grand-mère va mourir et qui va essayer de jouer les petits-fils modèles, en passant plus de temps avec elle, pour toucher son héritage. Je ne vous spoile pas mais ça devrait vous faire réfléchir à votre propre Bucket List !
📚 La Bibliothèque de Minuit — C’est probablement LE livre que j’offre le plus car il m’a marquée. Nora Seeds, une femme d’une trentaine d’années, est prête à mettre fin à ses jours. Elle se dit que sa vie n’a été qu’une suite de remords et de regrets. C’est alors qu’elle arrive alors dans un endroit hors du temps, la Bibliothèque de Minuit, dans laquelle chaque livre lui donne la possibilité de revivre sa vie autrement en changeant un élément... Et pourtant, elle va s’apercevoir que même en ayant fait d’autres choix dans le passé, sa vie n’aurait pas été parfaite. Ce qui amène à une question centrale : qu’est-ce qu’une vie heureuse ? Un livre de poche moins cher qu’une psy, je vous le dis.
🍦 Le sorbet cacao de Plaq — Ceux qui me connaissent savent ma passion pour les glaces. Alors je me devais d’aller tester le fameux sorbet de Plaq… et quelle claque! Le vrai bon goût de cacao 85% qui vient te retourner le palais. Les 7€ les mieux investis de ma semaine (eh oui, la boboitude a un prix).
🍴 Prévelle — C’est le nouveau resto (gastronomique) de Romain Meder, le chef qui s’est notamment formé auprès d’Alain Ducasse, près des Invalides. Parmi ce qui me restera en mémoire, on y croque dans une brioche à la betterave délicieusement réconfortante ou un poulpe cuit à la perfection, on y sauce allègrement son pain dans des condiments aux goûts tranchés (notamment ceux à la moutarde fumée ou à la seiche) et on termine par un combo chocolat/lentilles vertes parfaitement exécuté. Testé et validé.
C’est tout pour aujourd’hui et à dans deux semaines! ☕️🥐
Cette newsletter déboulera dans votre boîte mail un dimanche sur deux, pour que vous puissiez la lire à tête reposée avec votre café, votre tartine et les mots fléchés du Parisien (déso’, j’ai 33 ans…). La prochaine sera envoyée de Rio de Janeiro, où je vais passer un mois, en télétravail puis en vacances. Soyez sages d’ici là !
Je me souviens de l'époque (assez lointaine) où Instagram n'était qu'une app pour pimper les photos ratées. Il y avait notamment ce filtre - que je trouvais si hilarant que je l'utilisais systématiquement - qui ajoutait sur un coin de la photo un voile rouge, comme les clichés argentiques qui ont trop pris la lumière. Ainsi qu'un autre qui passait la photo en noir et blanc avec un noir très compact. Et un autre qui renforçait les contrastes.
Le moment où j'ai préféré insta, c'est quand il a été couplé à Foursquare - autre app totalement inutile - et où on pouvait donc géoloc les photos d'un seul coup + gagner des points Foursquare pour devenir "le maire" d'une station de métro ou d'un coin de rue.
Merci Kéliane pour ces mots déculpabilisant qui décadrent le sujet d'une manière assez savoureuse et stimulante (cette idée de bucket list <3) De mon côté, me dépêtrer de mon addiction aux écrans et d'Instagram en particulier est une lutte permanente mais je sens que je progresse petit à petit (m'astreindre à ne pas ouvrir l'appli 1 voire 2 jours par semaine aide beaucoup, même si je reste en roue libre les 5 ou 6 autres jours de la semaine)